Mercredi 25 novembre a commencé la semaine pour lutter contre les violences faites aux femmes. Cette année, avec le confinement, ces violences sont malheureusement en augmentation.
L’année 2020 est marquée par la pandémie mais aussi par la vulnérabilité dans laquelle se sont retrouvées les femmes et les filles victimes de violences du fait du confinement. Cette réalité est chiffrée. Pendant le premier confinement, les autorités compétentes ont enregistré une hausse de 30% des violences faites aux femmes. Elles se déroulent plus que jamais dans le silence. La prise en charge médicale de ces femmes est cruciale pour les soigner et les libérer.
En 2019, 146 femmes sont mortes sous les coups d’un homme : un ex, le conjoint, un petit-ami… D’autres femmes sont mortes de l’accumulation des violences. Un suicide, une overdose, une infection mal soignée, ont pour point commun d’être la conséquence de violences. On vous parle aujourd’hui de la santé des femmes victimes de violences, et aussi du rôle des professionnels de santé.
Que sont les violences faites aux femmes ?
Selon l’ONU, les violences faites aux femmes désignent « tous les actes de violences dirigés contre le sexe féminin, causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. » Cette définition est inscrite dans la Déclaration sur l’élimination des violences à l’égard des femmes, Résolution 48/104 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 20 décembre 1993.
Dans le monde, selon l’OMS, 1 femme sur 3 subit des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire intime ou de quelqu’un d’autre au cours de leur vie. En France, en moyenne 213 000 femmes chaque année sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex-conjoint. Et ce dernier chiffre n’inclut pas les mineurs. La violence conjugale est au centre des violences faites aux femmes. Invisible, brutale et fréquente, elle est le fléau contre lequel les autorités tentent de lutter. C’est principalement de violences conjugales, par le conjoint, ou l’ex-conjoint, dont il est question lorsque l’on traite des violences faites aux femmes.
Quelles sont les conséquences médicales physiques des violences ?
Les premières conséquences des violences auxquelles on pense sont les traumatismes : ecchymoses, lésions génitales, fractures, plaies, brûlures. Mais il ne s’agit que d’un seul aspect de la santé des femmes violentées. Très souvent ce sont ces marques qui vont alerter mais d’autres signes entrent en jeu dans la détection de violences. Ces femmes meurtries souffrent pour la plupart de séquelles dues aux violences. Elles ont par exemple davantage de céphalées, de douleurs dorsales, de douleurs abdominales, de troubles gastro-intestinaux, une sensation d’engourdissement et de fourmillements dans les mains, de la tachycardie et des palpitations.
Leur mauvais état de santé général, non imputable à des facteurs médicaux, peut indiquer qu’il y a des violences. Même si aucune marque n’est constatée. La responsabilité revient à la personne qui ausculte d’instaurer un climat de confiance, repérer les signes. Et entamer un échange pour avoir la confirmation que leur patiente est victime de violence.
Plus grave encore, les violences sont synonymes d’une perte de chance pour les femmes atteintes de maladie chronique grave. Les femmes diabétiques, avec une insuffisance respiratoire ou cardiaque et tout autre pathologie chronique doivent suivre un traitement, un suivi médical réguliers. Or, du fait des violences domestiques, les femmes ne sont plus en capacité de se soigner ou de consulter, au péril de leur vie. De même, certains cancers comme le cancer du sein demandent un dépistage tôt pour accroître les chances de survie. Mais malheureusement pour les femmes maltraitées, le suivi médical reste irrégulier. La venue chez le médecin étant souvent repoussée à la dernière limite. Au moment où une consultation est obligatoire ou bien vitale.
Sur le plan gynécologique, les violences ont des conséquences désastreuses. Selon une étude de 2013 de l’OMS, les victimes de violences et d’abus ont “1,5 fois plus de risques de souffrir d’une infection sexuellement transmissible, et dans certaines régions, d’être infectées par le VIH que les femmes n’ayant pas subi de violence de leur partenaire.” Evidemment, les patientes ne sont pas toujours en mesure de soigner correctement les IST, et elles sont détectées plus tardivement que pour les autres femmes. De même, les femmes battues et abusées ont deux fois plus de risques de subir au moins un avortement.
Quelles sont les conséquences psychologiques des violences ?
Les violences ont des conséquences gravissimes sur la santé physique des femmes. Mais les séquelles psychologiques sont tout aussi importantes, voire plus impactantes encore. La femme souffre psychologiquement, se tournant vers des solutions extrêmes comme le suicide ou les addictions. Selon l’étude de 2013 de l’OMS, les femmes ayant subi des violences de la part de leur partenaire sont presque deux fois plus nombreuses à connaître des problèmes de dépression ou d’alcoolisme. Autre chiffre, selon Florence Thibaut interrogé par RFI, Professeur de psychiatrie et d’addictologie, exerçant à l’hôpital Cochin à Paris, entre 20 à 30% de leurs patients en psychiatrie ont été victimes de violences sexuelles et ou physiques au cours de leur vie.
L’état de santé mental des victimes de violences est très inquiétant. En plus de la dépression, la femme qui développe une addiction suite à des violences ne se fait pas traiter. Les conduites addictives apparaissent souvent la seule échappatoire entrevue par les victimes, hormis la mort. Il y a chez les femmes abusées, battues, maltraitées, une plus forte consommation de tabac, d’alcool, de drogues psychoactives, de médicaments analgésiques, anxiolytiques, antidépresseurs ou hypnotiques. Le problème réside dans l’addiction consécutive à une consommation qui s’accroît tous les jours un peu plus. Concrètement, les overdoses médicamenteuses sont possibles et réelles.
Au delà de cet aspect, les violences affectent tout le comportement de la femme. Presque une femme sur deux victimes de violences souffre de syndrome post-traumatique ou d’épisodes de syndrome post-traumatique.
Il y a également des troubles émotionnels : colère, honte, sentiment de culpabilité, d’humiliation, sentiment d’impuissance, anxiété, panique. Ces derniers peuvent déclencher des comportements phobiques, de l’automutilation. La femme violentée a couramment des problèmes de sommeil : difficultés à s’endormir, veille ou réveils nocturnes, cauchemars, paralysie du sommeil. Les violences peuvent en plus affecter le comportement alimentaire. Une femme sans trouble alimentaire avant les violences peut par exemple développer de l’anorexie, de la boulémie. Et une femme avec des troubles déjà existants pourra voir s’intensifier ses comportements alimentaires destructeurs. Enfin, les capacités cognitives elles aussi n’échappent pas aux séquelles des violences. Il a été constaté que certaines femmes avaient, après des violences, plus de difficultés de concentration et d’attention, ou même des pertes de mémoire. En bref, les violences détruisent tous les aspects psychiques des victimes. Celles-ci mettent de très nombreuses années à s’en remettre, si du moins elles y arrivent.
Quel est le rôle des professionnels de santé auprès des femmes victimes de violences ?
Les professionnels de santé sont très souvent les premiers témoins de la souffrance de ces femmes. Par exemple, un médecin généraliste peut être la seule personne extérieure au couple que la victime continue à voir. D’ailleurs, les chiffres de la Haute Autorité de Santé témoignent de l’importance des professionnels de santé dans la lutte contre les violences. En moyenne, 3 à 4 femmes sur 10 dans les salles d’attente des médecins seraient victimes de violences conjugales et 1 victime sur 5 consulte en premier lieu un médecin après avoir été violentée. La raison est souvent la proximité et la confiance qui peut s’installer entre le patient et le médecin. Qui plus est, le secret médical est un bon argument pour inciter à la confidence et aussi pour recevoir la victime seule.
Le rôle des professionnels peut se résumer en trois mots : soigner, écouter, informer. Un quatrième peut éventuellement s’ajouter, alerter, mais sous certaines conditions. Soigner, déjà car c’est la mission principale et pour tout le monde. Mais l’auscultation de la patiente, l’analyse de son ordonnance peuvent conduire le professionnel à envisager des violences. Alors il faut écouter, détecter dans les silences, les demi-mots, les explications, des indices. Mais l’écoute doit être active, accompagnée de questions. La Haute Autorité de Santé conseille d’ailleurs de toujours poser des questions. Enfin, le médecin, infirmier, sage-femme ou autre professionnel doit informer la patiente, la rediriger, lui indiquer les démarches les plus simples, comme le numéro d’urgence 3919, et les solutions pour s’en sortir. D’ailleurs, il est important que les médecins établissent un certificat médical permettant à la patiente de faire valoir ses droits et de prouver les violences.
En cas de danger avéré pour la vie de la patiente ou d’un accord, même verbal, de la victime, chaque professionnel doit alerter les autorités, sans craindre de briser le secret médical.
Depuis le confinement, les pharmaciens aussi sont impliqués dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Le confinement rend encore plus compliqué pour ces femmes le fait de se signaler et donc de sauver leur vie. Il a donc été décidé que les pharmacies pouvaient désormais être un lieu d’accueil. Concrètement, les pharmaciens, à qui une femme a signalé être victime, peuvent contacter directement les forces de l’ordre pour prendre en charge la victime.
Une autre initiative novatrice a été lancée pour que les soignants viennent en aide aux femmes. L’hôpital Saint-Antoine à Paris expérimente depuis octobre le dépôt de plainte depuis l’hôpital. L’idée, née du Grenelle sur les violences faites aux femmes, est simple : éviter aux femmes de se rendre au commissariat et leur permettre de porter plainte à l’hôpital, un endroit où elles sont mises en confiance”. Grâce à cette initiative, déjà quatre femmes ont déposé plainte. À l’hôpital, elles sont soignées, accompagnées, épaulées et la police vient à elles et non l’inverse. Ce dispositif doit également s’installer à la Pitié-Salpêtrière à Paris, puis sur tout le territoire en fonction des résultats.